Idris Fontaine (musulman)
Mon regard sur la réalité de la violence à partir de mes convictions
L’Être humain a été créé dans le Paradis, monde céleste où il vivait sans aucune contrainte et qui est le Lieu naturel établi pour lui. La chute a conduit les Êtres humains dans ce bas-monde inadapté à l’Homme. Cette tension permanente entre notre nature originelle céleste et les réalités contraignantes de ce bas-monde est source de frustration et donc potentiellement de violence et d’exclusion. La Religion apporte aux individus et aux communautés humaines des Vérités divines sur la vie de ce monde et sur la vie de l’au-delà. Ces Vérités comprises par l’intelligence et mises en pratique dans la vie quotidienne par les individus et les communautés humaines conduisent à l’Harmonie intérieure des individus et à l’Harmonie sociale des communautés humaines et donc à la Paix. L’éloignement de ces Vérités affaiblit les individus et les communautés humaines. Il développe la discorde intérieure au sein des individus et la discorde sociale au sein des communautés humaines, et donc la violence et l’exclusion. L’ignorance et les désobéissances aux Vérités divines sont donc facteurs de violence et d’exclusion.
A nous voir les uns et les autres, on constate que physiquement et psychiquement la différence est reine. Dès lors comment une société humaine peut-elle fonctionner ? Les rapports humains sont souvent construits sur le rapport de force et donc sur la violence et l’exclusion. Un modèle pourrait-il être mis en place qui tiendrait compte à la fois de la diversité des êtres humains et de la paix à instaurer entre eux, et qui se construirait sur une origine spirituelle commune ? Pourrait-on s’inspirer de l’image du corps humain dans sa diversité la plus manifeste pour construire une collectivité humaine basée sur la richesse de la diversité s’unissant et œuvrant à une réalisation sociale réussie ?
En Islam, ce qui est nécessaire et indispensable à la survie est, en fait, la résistance face à l’oppression. Donc la question ‘’attaquer ou se défendre’’ ne se pose même plus, car l’Islam n’approuve que la défense face à la violence, qui elle aussi est règlementée quant aux moyens utilisés. De plus, un musulman ne se questionne pas par rapport à sa survie. ‘’Manger ou être manger’’; les deux nous arrivent au moins une fois dans notre vie. Dans la défense contre la violence et l’oppression, nous « mangeons », mais nous avons conscience qu’un jour nous pourrons être « mangé » et ne nous questionnons pas sur le moment ou la façon, ceci provient de la volonté de Dieu.
En islam, nous connaissons bien cette distinction car nous avons des séparations entre les différentes écoles religieuse et les différentes manières d’interpréter l’islam. De plus, notre culture balkanique est une illustration des séparations, ou plutôt de rapprochements, entre les différentes croyances et/ou différentes pratiques. Elle nous a montré, au fil des années et surtout dans la dernière moitié du XXème siècle, que la séparation entre le ‘’nous’’ et le ‘’vous’’ peut se transformer soit en une force unifiant les communautés qui forment au final un ‘’nous’’ harmonieux avec un respect mutuel et une acceptation de l’autre. Mais aussi, nous avons malheureusement constaté que le pouvoir, entre de mauvaises mains, pouvait amener ce ‘’nous’’ unificateur à des divergences entre les différentes communautés et même engendrer à la destruction de l’une ou l’autre.
La référence religieuse devrait être la source de paix intérieur et du calme autour de soi. Aujourd’hui, la référence religieuse est utilisée de deux manières différentes. La première, et la plus mauvaise à nos sens, est celle qui nous est transmise par les médias internationaux, celle du recours à violence. La deuxième manière est celle de l’affirmation de soi dans la société. Elle est une manière pour chacun de se ‘’réconforter’’ soi-même et se prouver que nous restons différents des autres à l’intérieur, bien que à l’extérieur la mondialisation ou l’uniformisation s’accentue, malheureusement. Pour la première partie de la question et en rapport avec l’Islam il n’y a aucun désaccord. Il n’y a aucun argument assez fort aujourd’hui, à part celui de la résistance, qui puisse légitimer un recours à la violence et/ou un repli identitaire.
La violence religieuse est une chose évitable et il faut que nous travaillons dans l’acceptation, la connaissance et la reconnaissance de l’autre pour pouvoir installer un dialogue, un respect et une collaboration, et peut-être qu’à ce moment nous pourrons faire vivre les valeurs fondamentales que chacune de nos religions apporte, ces valeurs communes de paix et de justice pour l’humanité. ! C’est ce à quoi tend l’islam et ce que chaque musulman devrait rechercher : le respect de l’autre même si ses convictions, ses valeurs et ses pratiques religieuses et culturelles sont différentes des nôtres.